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mercredi 12 novembre 2008

France : ultra-gauche et terrorisme sociétal N°332 - 2eme année

Dix militants «d'ultra gauche mouvance anarcho-autonome» qui s'en prennent aux caténaires SNCF et ont été interpellés ce mardi matin »¹ C’est le ouf de soulagement alors qu’une rumeur sous-entendait que les sabotages intervenus contre les TGV pouvaient être le fait de cheminots !
On évoque déjà le danger d’un terrorisme sociétal : «Une vraie menace pour l'avenir» dit Jean-François Daguzan de la Fondation pour la Recherche Scientifique¹. Le Spiegel écrit que des liens inter ultra-gauche existent dans l’Union (France, Allemagne, Belgique, Italie, Grèce) et même hors d’Europe !²
« Depuis deux ans, soulignait Le Point en mai dernier, les Renseignements généraux disent avoir observé une recrudescence de telles formes d'engagement, à la confluence de l'action politique et du terrorisme. Profil type de ces nouveaux combattants de l'« ultra-gauche » : de très jeunes gens issus de la mouvance anarchiste ou libertaire et de l'extrême gauche la plus radicale, engagés dans le refus de l'Etat, du capitalisme et de la mondialisation, qui vivent et se déplacent en petits groupes, ne travaillent pas et sont à la recherche de toutes formes de contestation radicale. »³
Le film allemand d’Uli Edel sur la Bande à Baader sort en France le 12 novembre, l’affaire Marina Petrella, une ex-des Brigades Rouges et la courte sortie de prison de Jean-Marc Rouillan d’Action directe apporteraient-ils un lien historique avec les sabotages ferroviaires ?
Le terme ultra-gauche est apparu au milieu des années 1920 pour désigner un courant politique d’inspiration marxiste (assez proche de l’anarchisme) opposé à la sociale-démocratie et au bolchevisme. Il est impossible de tracer en quelques lignes toute l’histoire de cette ultra-gauche qui se divise en de nombreux courants de même que les anarchistes. Tout juste peut-on souligner que cette ultra-gauche véhicule un imaginaire précis rappelé par le professeur Roland Granier dans Le Québéquois Libre en 2004:
« l'extrême gauche est fondamentalement d'inspiration marxiste et reste formée de communistes extrémistes (trotskistes et maoïstes en général) qui proposent à ce titre des bases politiques et des analyses stratégiques qui ont bien pour but de conduire à la Révolution finale et au Grand Soir. L'oublier, ou prétendre que tout cela serait aujourd'hui dépassé, relève du rêve, de l'inculture ou de l'inconscience politique la plus totale. »4
Historiquement, les organisations, en Italie des Brigades rouges (1969-1988), la Fraction armée rouge ou bande à Andréas Baader en Allemagne (1970-1980) et Action Directe en France entre 1979 et 1987 ont occupé le devant de la scène politique européenne sous le qualificatif général d’années de plomb. Les Brigades rouges commirent plus de 15 000 attentats et causèrent 415 morts, elles furent de loin les plus redoutables. Les groupes allemand et français firent des hold up, enlevèrent et assassinèrent des hommes, se lièrent à des terroristes comme Carlos. Sommes-nous dans la répétition de cette période ? Si les Etats-Unis ont leur Ben Laden, disons que nous les Européens nous avions eu bien pis.
Les décennies 60 et suivantes jusqu’à la fin du Mur de Berlin s’appuyaient énormément sur les fondamentaux idéologiques qui allaient de l’anarchisme à l’extrême droite en passant par tous les sous-courants du marxisme. Les intellectuels, encore influents, nombreux et de qualités, pouvaient par leur engagement individuel apporter une caution qui empêchait le pouvoir en place d’intervenir plus fortement. Rien de tel aujourd’hui ! Si, l’on prend le cas français, nous avons des tas de groupuscules anciens ou récents qui sont très mobiles et très au fait de l’Internet. Ils sont leurs propres intellectuels. Lutte ouvrière et l’ex-Ligue communiste révolutionnaire devenue le NPA du très médiatique Olivier Besancenot appartiennent à la société politique qui respectent la devise nationale et les usages politiques : elles sont donc neutralisées. Ces organisations tout comme les syndicats et le PS, se sont presque tus lors de l’affaire des Caisses d’Epargne et de la luxueuse nomination de son ex-PDG, Charles Milhaud, symbole s’il en faut de la dérive bancaire et de l’usage singulier de l’épargne !
Il est toujours plus dangereux pour une démocratie de combattre des groupes invisibles ultra-mobiles (inflitrés par leurs adversaires) que des partis structurés et publics. L’amertume, le désespoir et demain la rage seront le fait de plus en plus d’hommes et de femmes révoltés par l’accroissement des injustices, les licenciements préventifs, l’esquive de l’Etat et in fine les vœux pieux des syndicats. C’est donc un boulevard qui risque de s’ouvrir et qui fait dire à Daguzan précité le danger d’un terrorisme sociétal.
L’Europe est-elle dans la même situation qu’il y a trente ans ? L’Union européenne est le fait d’adeptes de l’économie libérale et même ultra-libérale, un Barroso, ex-trotskiste portugais, dirige la commission de l’Union et bien des néo-conservateurs américains ont dans leur CV une étiquette trotskiste.
Le système financier anglo-américain s’effondre par pans entiers, précipitant des millions de gens hors de leurs maisons. L’Europe va connaître une crise sociale très dure. Le climat international n’est guère radieux. Et de toutes parts via les ONG, les alter-mondialistes et d’autres organisations sur tous les continents, les envies de changer de monde grandissent mais sans ordre. Les menaces pour l’avenir : le désordre où nous sommes, l’incertitude environnementale les projets concoctés par des puissants cartels bancaires, le développement redoutable des armées privées dont Blackwater est la plus célèbre…etc.
En France, notamment, l’encadrement régulier de nos libertés au nom de notre sécurité se fait alors que Nicolas Sarkozy accorde à la police un degré de pouvoir jamais atteint depuis Fouché ! La policiarisation de la démocratie se justifierait lors des actions de ces groupuscules désarmant par la même occasion le citoyen qui craint, aujourd’hui, de descendre dans la rue quelques heures. Nous nous dirigeons sans doute vers des moments de confrontations soudains et violents mais courts.
L’affaire des caténaires agit comme une piqûre de moustique : il serait imprudent à la fois de négliger l’ultra gauche mouvance anarcho-autonome et de sous-estimer le désespoir des citoyens.
Jean Vinatier
©SERIATIM 2008

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