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mercredi 10 juin 2015

Turquie : malade imaginaire ? N°3138 9e année



Alors que le G7 palabrait au milieu des champs de Bavière et que Christine Lagarde faisait sa balade à vélo place de l’Alma où elle passa lentement et sereine à 17 h accompagnée de son époux, un long homme marseillais ; de l’autre côté du Bosphore à Ankara, au milieu de l’Anatolie, le Président Erdogan mordait la poussière lors des élections législatives qui virent l’entrée sur scène du parti démocratique des peuples (HDP) avec 79 députés. Le chef de ce parti, Selahattin Demirtas, a su regrouper, autour de lui, tous les déçus du parc  de Gezi (Taksim 2013) : des kurdes aux Yazédis en passant par les homosexuels, générant une dynamique dans un pays à la boussole incertaine. Partagée entre un héritage ottoman et une place incontournable entre l’Asie et l’Europe, dans l’Orient, le pouvoir turc finit par donner le tournis en voulant épouser bien des sujets sans savoir en retenir un seul et le suivre avec constance.
La vie politique turque intègre-t-elle le cas du Kurdistan ? La Turquie arrivera-t-elle à construire un fédéralisme ? Toute amputation de son territoire serait vécue comme un second « Sèvres » et engendrerait de réelles violences. Pour l’heure, l’ambition affichée par le Président Erdogan de gagner via l’assemblée d’autres pouvoirs est arrêtée sans que cesse cette quête turque d’asseoir une nation tranquille à la mémoire apaisée. Ni Atatürk, ni ses successeurs ne parvinrent à s’extirper des génocides (Assyrien, Arménien, Pontique) alors même que la Sultanat et le califat disparaissaient dans l’histoire. L’idée d’une politique néo-ottomane prônée par Ahmet Davotuglu d’abord ministre des Affaires Etrangères puis actuel Premier ministre resserre le lien historique entre la Turquie kémaliste et l’Empire. S’ajoute via Erdogan une dimension religieuse qui également remémore l’avant 1924. Si sur une carte la situation géographique de la Turquie est exceptionnelle à bien des égards, ce pays reste malgré tout prisonnier d’un passé inscrit dans le roc anatolien.
La présence de 79 députés de l’HDP a une solidité de façade : les liens entre les kurdes et les homosexuels ou entre les minorités ethniques ne sont guère évidents même s’ils permirent d’entrer dans l’arène politique. Selahattin Demirtas est associé à Syriza et Podemos parce qu’il se situe à gauche sans que soit évoqué un quelconque programme d’idées en commun. Serait-on encore dans l’utopie des internationales  d’avant 1914? L’Union européenne serait-elle une issue ? La Turquie a d’abord, besoin de son espace, d’œuvrer, par exemple, à concevoir une sorte de Commonwealth entre nations turcophones et s’il se réalisait faciliterait la résolution de la question Kurde. La Turquie étouffe, elle est encore « cet homme malade », malade inquiète, parfois imaginaire….

Jean Vinatier
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