Le nouveau Grand turc, Erdogan a
célébré la chute de Constantinople le 29 mai 1453 tandis qu’à l’autre bout de
l’Europe à Verdun, la chancelière allemande et le Président français voulurent dire
cette longue bataille (février-décembre 1916) cinquante ans après le discours
du général de Gaulle.
De prime abord il n’y aurait
aucune intelligence à placer sur une même ligne Constantinople et Verdun mais
les deux lieux étant sur le même continent et les événements dont ils furent le
point d’orgue sont de nature à permettre cet exercice.
Quand chut Constantinople en mai
1453, c’est bien la romanité dans son terme qui est défunte : l’empire
romain d’orient meurt bien plus d’avoir
été pillé et évidé, en 1204, par les princes d’Occident et les républiques
italiennes, sous le regard bienveillant du souverain pontife, que par les Turcs
eux-mêmes. L’Occident a toujours eu une rancune envers cet Orient d’où était le
berceau de sa foi et regardait la perpétuation de la romanité autour du
Bosphore plus comme une gêne que comme un atout. A croire que l’Occident ne
pouvait éclore qu’à la condition de tuer ces Romains : à l’effacement de la
romanité méditerranéenne devait succéder
la Méditerranée chrétienne née de Rome dont la bataille navale de Lépante aurait été le
moment illustre.
A Verdun s’entrechoquèrent des
centaines de milliers d’hommes de France d’Allemagne, du Royaume-Uni, issus des
empires coloniaux. Les amas de cadavres, les épuisements de tous les côtés, les
vanités des généraux, le jusqu’au-boutisme des états-majors se sont concentrés
pour anéantir le cœur même de l’idée européenne. Nul ennemi de religion, ni de
barbare surgi des steppes de l’extrême Asie, seulement des hommes d’un même
continent écrasés, broyés, sous le regard de leurs princes d’alors.
Constantinople et Verdun se
relient par ce lien de sang qui coule dans les veines des gouvernements européens,
aboutissent à des chocs terribles, terrifiants, eux-mêmes se plantant la dague
au cœur. La fin de la romanité d’Orient de 1453 libère l’Occident à la
fois de César et des églises au-delà du Bosphore, la bataille de Verdun fait mourir en même temps les descendants de
ceux qui furent les acteurs de la chute de Constantinople et l’idéal de l’Etat-nation.
Si le général de Gaulle avait
tenu à Verdun, en citant le général Pétain, un discours d’histoire espérant réanimer
la flamme des nations, allemande et française, réconciliées pour une Europe
indépendante des blocs, la vue, ce 29 mai 2016 des jeunes s’égayant parmi les
tombes, faute d’avoir eu le concert d’un rappeur, nous fait tomber au plus bas.
Le spectacle a succédé à la commémoration, l’Histoire s’efface derrière le
respect, la recueillement derrière la communication. Les Européens continuent
donc à se tuer eux-mêmes avec une certaine constance. Cette fois-ci, c’est au
nom de l’Union européenne, plateforme marchande qui refuse toute identité
politique, c’est-à-dire d’avoir une Histoire. L’Union européenne se substituant
à l’Europe, n’habite plus que des hommes et des territoires : adieu les
nations, les Etats, place à l’aire géographique et évidemment sans frontière: la
suppression des visas pour les Turcs et les Ukrainiens, la porte ouverte aux
migrants en sont les éléments frappants.
Le Grand Turc Erdogan en donnant
de l’éclat à la chute de Constantinople, après avoir fait ployer la chancelière
Merkel n’est pas loin de croire que les portes de Vienne ne lui seraient plus
aussi hostiles qu’au temps de Soliman le Magnifique……
Jean Vinatier
Seriatim 2016
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