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mardi 14 juillet 2015

« L’économiste, la cour et la patrie d’Arnault Skornicki » N°3182 9e année



Arnaud Orain propose, pour La Vie des idées et la revue Oeconomia,  la recension de l’ouvrage d’Arnaud Skornicki, « L’économiste, la cour, la patrie »Paris, CNRS éditions, 2011

« L’ouvrage d’Arnault Skornicki s’ouvre sur une scène cocasse : celle d’un Jacques Attali, président de la commission pour la « libération de la croissance », lisant en 2008 devant un parterre de journalistes la célèbre lettre que Turgot adressa à Louis XVI lors de sa prise de fonction au Contrôle général des finances en 1774. Skornicki constate ainsi qu’à plus de deux siècles de distance, la même posture – celle de l’expert – et le même discours sous-jacent – la libéralisation de l’économie comme ressort d’une allocation optimale des ressources – sont à l’œuvre. Partant de ce constat, le propos de L’économiste, la cour et la patrie est d’interroger la genèse tout à la fois de la position de celui qui parle et de la science dont il se drape. Ce faisant, Arnault Skornicki se penche sur ce qui va devenir la « science économique » pendant le XVIIIe siècle français. L’auteur veut se garder d’un écueil fréquent : ce n’est pas parce qu’elle se « désencastre » (au sens de Karl Polanyi) du monde social et matériel dans lequel elle est née que cette science rationnelle s’oppose à l’État. Dans une perspective foucaldienne, elle n’est qu’une nouvelle forme de « gouvernementalité » adaptée aux temps modernes. Bien plus qu’à l’auteur de Les Mots et les Choses, c’est cependant d’abord à « l’école de Cambridge » (John Pocock et Quentin Skinner), puis à la sociologie politique (Max Weber, Norbert Elias et Albert Hirschman) et enfin à l’histoire intellectuelle (Daniel Roche, Robert Darnton, Roger Chartier) que Skornicki emprunte ses grilles de lecture de l’économie politique française des Lumières. Le projet diffère donc d’une histoire de la pensée économique, au sens où il s’agit de dévoiler non seulement la position des acteurs (« d’où » ils parlent), mais encore les relations entre pouvoir et science, et l’usage qui est fait du discours libre-échangiste. Skornicki suit pour cela un plan plutôt chronologique en trois parties. La première partie s’attache à la « science du commerce » développée par le groupe réuni autour de Jacques Vincent de Gournay dans les années 1750. La seconde s’intéresse à l’école la plus structurée du siècle, celle des physiocrates. Enfin, la dernière partie analyse plus avant la réception de la « science nouvelle » par l’opinion ainsi que les interactions entre les grands débats du temps (les grains et l’impôt) et les hommes qui les portent jusqu’au sommet de l’État (Turgot et Necker en particulier). S’il a recours aux grands textes de l’époque et à certains fonds d’archives, Skornicki exploite largement les travaux des historiens de la pensée économique contemporains : ceux de Loïc Charles, Philippe Steiner et Christine Théré en particulier. C’est d’ailleurs là que se situe la principale faiblesse de l’ouvrage : l’auteur, qui loue beaucoup leur travaux, ne se positionne pas assez par rapport à eux, et par conséquent ne présente pas suffisamment son apport – pourtant réel – à la recherche dans le domaine.
[….]
La suite ci-dessous :



Jean Vinatier
SERIATIM 2015

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